Comment fonctionne Temu, le géant chinois qui bouleverse le marché du commerce en ligne.
Lorsque vous entrez dansTemu, une cascade de produits de toutes sortes commence à remplir l'écran. Et presque tout est accompagné d'étiquettes de réduction et d'avis très positifs.
Pour ceux qui cherchent à acheter à bas prix dans le contexte de la forte inflation laissée par la pandémie, Temu semble être la plateforme idéale.
Et il suffit de faire quelques comparaisons avec des sites similaires comme Amazon ou Mercado Libre pour être tenté de faire ses achats sur Temu.
C'est "Amazon sous stéroïdes", explique à la BBC l'expert en commerce Niel Saunders.
Mais pourquoi tout est-il si bon marché, qui se cache derrière Temu et quelle est sa stratégie ?
Pour plusieurs raisons, cette plateforme basée en Chine a pu attirer si rapidement des millions d'utilisateurs dans 14 pays, dont le Chili, la Colombie et le Mexique. Il sera lancé au Brésil.
Cette plateforme n'est pas exempte de controverses.
Des hommes politiques de plusieurs pays occidentaux ont commencé à l'examiner de près, affirmant qu'elle pourrait vendre des produits fabriqués par le travail forcé en Chine, ce que l'entreprise dit "interdire strictement".
L'origine de Temu
Selon Shaun Rein, fondateur du China Market Research Group, Temu appartient au géant chinois du commerce électronique PDD Holdings, "un mastodonte du commerce électronique chinois".
"En Chine, tout le monde achète des produits de [la marque de PDD Holdings] Pinduoduo, des haut-parleurs aux t-shirts en passant par les chaussettes", a-t-il déclaré à la BBC.
L'entreprise rivalise avec Alibaba en tant qu'entreprise chinoise la plus précieuse cotée en bourse aux États-Unis.
Sa valeur actuelle est légèrement inférieure à 150 milliards de dollars.
Selon M. Rein, l'entreprise est devenue une grande source de fierté et de patriotisme pour les Chinois.
"Ils sont fiers que les entreprises chinoises puissent vaincre les dragons américains du commerce électronique comme Amazon", ajoute-t-il depuis Shanghai.
Fort de sa domination sur le marché chinois de la consommation, PDD Holdings s'exporte avec Temu en utilisant le même modèle que celui qui avait assuré son succès dans son pays d'origine.
Presque tous ses produits sont fabriqués dans des usines en Chine.
Des produits sans marque
En examinant la liste des produits vendus sur Temu, les acheteurs remarqueront que la plupart des articles ne sont pas marqués. S'ils le sont, ils ne portent pas de logo connu.
Ce n'est pas une coïncidence, car cette plateforme chinoise utilise une stratégie d'usine directe au consommateur.
D'autres plateformes, en revanche, proposent des marques de renom (même si nombre d'entre elles proviennent de ces mêmes usines en Asie).
"Temu comprend que les consommateurs, en ces temps d'inflation et de turbulences économiques, cherchent à acheter des produits bon marché", explique l'analyste Neil Saunders.
Il ajoute que "la plateforme permet aux entreprises de vendre leurs produits à un dixième du prix normal et d'accéder directement aux consommateurs du monde entier".
Les consommateurs qui veulent acheter un t-shirt coûteux doivent souvent payer 50 % de plus s'il porte un logo.
Mais les experts avertissent que, logiquement, les produits de Temu ne sont pas les meilleurs en termes de qualité ou de durabilité, malgré les critiques positives qui peuvent apparaître sur la plateforme.
Vendre sans intermédiaire
Un autre facteur qui renchérit souvent les produits fabriqués dans les usines asiatiques est la vente par l'intermédiaire de points de vente au détail.
Mais avec le commerce en ligne, les fabricants peuvent se dispenser des coûts supplémentaires liés à la vente dans des magasins physiques ou sur des plateformes établies en Occident.
"Ils ne sont pas obligés de passer par Walmart, Marks and Spencer ou Amazon. Ils peuvent s'adresser directement au consommateur, en provenance directe des usines, et c'est la raison pour laquelle ils peuvent pratiquer des prix aussi bas", souligne M. Rein.
Cette stratégie n'est pas propre à Temu, puisqu'elle est également à l'origine de l'énorme pénétration de plateformes telles que le détaillant de mode rapide Shein en Occident.
Selon un rapport du Congrès américain de juin 2023, Temu et Shein ont expédié ensemble près de 600 000 colis par jour aux États-Unis, pays qui fait partie de leurs principaux marchés.
Et avec son entrée dans des pays d'Amérique latine ou d'Europe, la plateforme se développe comme peu d'autres entreprises dans le monde.
Des données précieuses sur les utilisateurs
Comme d'autres plateformes de vente en ligne, Temu recueille à grande échelle des données sur le comportement des utilisateurs.
Mais son action est différente de celle de sites tels qu'Amazon.
"Il recueille des données sur les tendances des consommateurs, les produits les plus recherchés et les plus cliqués, qu'il transmet aux différents fabricants", explique à la BBC Ines Durand, experte en commerce électronique chez SimilarWeb.
"Grâce à cela, les fabricants ne produisent d'abord qu'un petit nombre de biens pour tester les places de marché", ajoute-t-elle.
Ces fournisseurs évitent également les coûts liés au stockage d'un grand nombre de produits.
"Parfois, le site web utilise des images générées par l'intelligence artificielle pour suivre les dernières tendances. Il se peut donc que les produits que vous commandez n'existent pas encore", explique Mme Durand.
Amazon collecte également des données sur les consommateurs, qui sont très précieuses, mais les vend aux détaillants.
C'est comme une boutique hors taxes à l'aéroport
De nombreux consommateurs constateront que Temu offre une livraison gratuite ou à prix réduit comme incitation supplémentaire. L'entreprise peut se permettre de le faire en tirant parti des règles d'importation en vigueur dans certains pays.
Aux États-Unis, par exemple, les règles stipulent que, jusqu'à un certain montant, les importations sont exemptes de droits de douane, ce qui permet à Temu d'éviter ces coûts.
"Si vous expédiez des marchandises en vrac, comme le font les fabricants traditionnels de vêtements ou d'électronique, vous devriez payer des droits de douane considérables", explique M. Rein.
Mme Durand souligne également le fait que les expéditions sont souvent effectuées par avion, ce qui non seulement accélère le transport de l'Asie vers les pays occidentaux, mais évite également les coûts d'entreposage local dans ces pays.
"Ils n'ont pas besoin d'aller dans des entrepôts. Ils arrivent directement dans la boîte aux lettres du consommateur", ajoute l'expert de SimilarWeb.
C'est comme une boutique hors taxes à l'aéroport.
Des dépenses de publicité
Pour se faire connaître sur de grands marchés tels que les États-Unis, Temu a investi des sommes colossales dans la publicité.
Rien que pour la dernière finale du Super Bowl, l'événement le plus regardé aux États-Unis avec un record de 123 millions de téléspectateurs, Temu a payé six publicités de 30 secondes qui ont coûté en moyenne 7 millions de dollars US (environ 4 milliards 253 millions de francs CFA) chacune.
"C'est beaucoup d'argent pour une publicité très courte", explique M. Saunders.
"Mais elle est vue par un très grand nombre de personnes et nous savons qu'après cette publicité, les téléchargements de Temu sont montés en flèche", ajoute-t-il.
Les données de SimilarWeb indiquent que les visites individuelles sur la plateforme dans le monde entier ont augmenté de près d'un quart le jour du Super Bowl par rapport au dimanche précédent, avec 8,2 millions de personnes naviguant sur le site web et l'application.
Au cours de la même période, les visiteurs d'Amazon et d'Ebay ont baissé respectivement de 5 % et de 2 %.
"Ils ont également dépensé beaucoup d'argent en micromarketing en convainquant les influenceurs de promouvoir des produits et de suggérer des achats sur la plateforme par le biais de réseaux sociaux tels que TikTok et YouTube", explique M. Saunders.
Selon Ines Durand, de SimilarWeb, ces influenceurs ont généralement moins de 10 000 adeptes. "Les micro-influenceurs ont de grandes communautés, à telle enseigne que leur approbation se traduit par une approbation de ces produits", explique-t-elle.
Les experts en affaires pourraient être inquiets face à un modèle tel que celui que Temu applique. Mais c'est en fait quelque chose que sa société mère en Chine a prouvé.
"La stratégie de Temu pour les deux ou trois prochaines années consiste simplement à accroître la notoriété de sa marque et sa part de marché. L’entreprise ne se soucie pas vraiment des bénéfices. Elle pourrait en faire dans trois à cinq ans", estime Niel Saunders.
"C'est exactement ce qui s'est passé avec Pinduoduo lors de son lancement en Chine. Il n'était pas rentable. L'entreprise proposait des offres incroyablement bon marché dans le seul but de s'approprier des parts de marché. Et finalement, les gens ont commencé à acheter des produits plus chers."
Pleins feux sur Temu
La croissance de Temu a été si rapide qu'elle a attiré l'attention des législateurs et des hommes politiques dans les pays occidentaux où elle s'est implantée. Sa façon de faire des affaires fait l'objet d'un examen minutieux.
Une enquête du gouvernement américain révèle qu'il existe un "risque extrêmement élevé" que les produits vendus par Temu aient été fabriqués en recourant au travail forcé.
Les législateurs américains ont fait valoir que Temu devrait faire l'objet d'un veto en vertu de la loi sur la prévention du travail forcé des Ouïgours, promulguée par le président Joe Biden en 2021 pour protéger la minorité ethnique des Ouïgours.
L'année dernière, Alicia Kearns, présidente de la commission des affaires étrangères du Parlement britannique, a déclaré à la BBC qu'elle ferait pression pour un examen plus approfondi du marché en ligne, afin de s'assurer que "les consommateurs ne contribuent pas involontairement au génocide des Ouïgours".
Temu déclare qu'elle "interdit strictement" à tous ses distributeurs de recourir au travail forcé, au travail des prisonniers ou des enfants.
L'entreprise chinoise a dit à la BBC que toute personne faisant affaire avec elle devait "respecter toutes les normes et exigences réglementaires".
"Nos normes et pratiques actuelles ne sont pas différentes de celles des autres grandes plateformes de commerce électronique auxquelles les consommateurs font confiance, et les allégations à cet égard sont totalement infondées", a ajouté un porte-parole.
En France, un projet de loi sur la mode a été adopté le 14 mars. Il vise des géants de la distribution tels que Temu et Shein qui, selon les législateurs, nuisent à l'environnement et à l'économie et encouragent les achats impulsifs.
Il interdit la publicité de certaines entreprises de mode ultra-rapide et impose des augmentations annuelles pouvant aller jusqu'à 10 euros (6.500 francs CFA) par vêtement d'ici à 2030.
Temu et Shein ont tous deux déclaré séparément à la BBC que leurs modèles commerciaux axés sur la demande réduisaient les déchets par rapport aux modèles commerciaux traditionnels.
Temu souligne qu'il ne s'agit pas d'une entreprise de fast fashion, puisqu'elle ne fabrique pas les produits qu'elle vend.
Et bien qu'elle ne soit pas encore entrée au Brésil, les détaillants brésiliens mènent actuellement une campagne dans le pays pour réclamer l'égalité fiscale avec les plateformes asiatiques telles que Shein.
Tous ces défis pourraient mettre à l'épreuve la forte croissance de Temu en Occident.
Essai Prime Student de 90 jours sur Amazon.fr : Cliquez-ici
Essai gratuit 14 Jours de l’Abonnement Kindle ebook Amazon.fr : Cliquez-ici
Promo Essayez avant d’acheter sur Amazon.fr : Cliquez-ici
Commentaires
Enregistrer un commentaire