L’océan en surchauffe : comment le changement climatique perturbe la dynamique des systèmes marins
En
jouant le rôle de puits de chaleur et de carbone, l’océan mondial amortit
les effets du changement climatique. Mais il est à son tour sous
pression : son réchauffement s’accélère, entraînant des effets en cascade
sur le climat et les écosystèmes.
Guillaume Massé
Cette
carte montre les anomalies de la température à la surface de l’océan le 21 août
2023 par rapport à la température moyenne pour ce même jour entre 2003 et 2014.
Si le phénomène El Niño est en grande partie responsable des hautes
températures dans le Pacifique, d’autres anomalies sont directement liées au
réchauffement climatique, en particulier en Arctique, où les hausses de
température de l’eau par rapport à la période de référence correspondent à
l’impact, de plus en plus tôt, de la saison de la fonte de la banquise. Échelle
des couleurs : le bleu correspond à des anomalies de la température de surface
inférieures à –3°C, le blanc à 0°C et le rouge à des anomalies de la
température de surface supérieures à 3°C.
© Lauren Dauphin, Nasa Earth Observatory ; source : https ://earthobservatory.nasa.gov/images/151743/the-ocean-has-a-fever
Près de
1,4 milliard de kilomètres cubes – l’équivalent de
37 000 milliards de piscines olympiques : c’est le volume d’eau
présent à la surface de la Terre. Seulement 3 % de cette eau se trouve
distribuée au sein des calottes et des glaciers, dans les sols, les lacs, et
les rivières ou dans l’atmosphère. Les 97 % restants sont contenus dans
l’océan. D’une profondeur moyenne de 3 800 mètres, cette immense
masse d’eau salée recouvre plus des deux tiers de la planète et joue de
nombreux rôles essentiels tant pour la préservation des équilibres climatiques
que pour le maintien de la vie sur Terre. Longtemps considéré comme un puits
sans fond, l’océan donne et régule tout en absorbant nos nombreux excès.
Aujourd’hui, cependant, on s’aperçoit qu’il sature. Et que, s’il continue à
encaisser, c’est dès à présent loin d’être sans conséquences pour sa dynamique,
les équilibres biogéochimiques et les écosystèmes marins.
Les rapports du
Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, sont sans
équivoque. Le climat se dérègle, les températures augmentent et nos
émissions de gaz à effet de serre en sont la cause principale. Depuis le début
du XXIe siècle, elles n’ont
cessé de croître pour culminer à une émission record équivalente à 53 gigatonnes de
dioxyde de carbone (CO2)
en 2023 (contre 33 gigatonnes en 1990). La concentration en CO2 dans l’atmosphère
cette même année a atteint 424 parties par million (ppm). Au cours du
dernier million d’années, elle n’avait jamais dépassé 300 ppm. Cette
augmentation brutale de gaz à effet de serre dans l’atmosphère bouleverse le
bilan radiatif de la Terre : avec l’augmentation de gaz à effet de serre dans
l’atmosphère, le système Terre a accumulé une quantité d’énergie équivalente à près
de 400 zettajoules (400 x 1021 joules)
au cours des cinquante dernières années. Un peu comme si, pendant ce
demi-siècle, nous avions oublié d’éteindre un gigantesque radiateur de quelque
5 milliards de kilowatts (la puissance moyenne d’une chaudière domestique
est d’une vingtaine de kilowatts). Il en résulte que la température à la
surface de la planète augmente. Les relevés montrent que, pour la
période 2011-2020, sa valeur moyenne a été supérieure
de 1,1 °C à celle enregistrée entre 1850 et 1900.
Bien que cette
hausse des températures soit déjà importante et fort préoccupante, celle-ci
aurait été largement supérieure sans la présence de l’océan. En effet, il
constitue le puits thermique principal : près de 90 % de l’énergie
qui s’accumule sur la planète s’y dissipe jusque dans ses couches les plus
profondes. En tant que dissipateur thermique, il joue donc un rôle essentiel
pour le maintien de conditions favorables à la vie sur le globe. Néanmoins,
tout comme notre atmosphère, et même si, pour le moment, les changements sont
plus difficilement perceptibles que sur la terre ferme, il se réchauffe. Dans le
huitième rapport sur l’état de l’océan du programme européen Copernicus, paru
le 30 septembre dernier, des scientifiques du monde entier tirent la
sonnette d’alarme. Il se réchauffe deux fois plus vite qu’il y a vingt ans et
sa température a déjà augmenté en moyenne de 1,45 °C par rapport aux
niveaux préindustriels. Ce réchauffement de l’océan, jusque dans ses couches
les plus profondes, provoque déjà de nombreux bouleversements avec des effets
en cascade qui se révèlent parfois catastrophiques.
Les émissions anthropogéniques de gaz à effet de serre dans
l’atmosphère perturbent le bilan radiatif de la Terre, c’est-à-dire
l’inventaire de l’énergie que la planète – le sol, l’océan et l’atmosphère –
reçoit (majoritairement du Soleil) et perd (réflexion du rayonnement solaire,
rayonnement terrestre, évapotranspiration des végétaux, activités humaines…).
C’est majoritairement l’océan qui absorbe l’excès de chaleur accumulé. Les
chiffres indiqués correspondent à la période 1971-2020. Le déséquilibre
énergétique de la Terre est estimé à 0,48 watt par mètre carré sur cette
période, avec une nette augmentation les dernières années : il atteint 0,76 watt
par mètre carré entre 2006 et 2020.
© K. von
Schuckmann et al., Heat stored in the Earth system 1960-2020 : Where does
the energy go ?, Earth Syst. Sci. Data, 2023 (CC-BY-4.0)
Des grands courants déjà perturbés
Les
grands courants océaniques ne transportent pas que de l’eau ou du plancton. Ils
convoient aussi de la chaleur et la répartissent sur toute la planète. Un
exemple bien connu est celui de la dérive nord-atlantique dont les eaux
chaudes, alimentées par le Gulf Stream, traversent l’Atlantique, réchauffent
les côtes du nord de l’Europe et se dispersent ensuite dans l’océan Arctique.
La plongée d’eaux froides et salées vers le plancher océanique met en marche
cet immense fleuve marin. Lié à la différence de salinité et de température
entre les différentes masses d’eau, ce phénomène de convection thermohaline est
très localisé et n’a lieu qu’en Atlantique Nord et en Antarctique. Véritable
moteur de la circulation océanique, il influe sur l’ensemble de l’océan en
mettant en mouvement toutes les masses d’eau.
400
zettajoules
Avec
l’augmentation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, le système Terre a
accumulé une quantité d’énergie équivalente à près de 400 zettajoules (400 x
1021 joules) au cours des cinquante dernières années. Un peu comme si, pendant
ce demi-siècle, nous avions oublié d’éteindre un gigantesque radiateur de
quelque 5 milliards de kilowatts (la puissance moyenne d’une chaudière
domestique est d’une vingtaine de kilowatts).
Or,
actuellement, la hausse des températures à la surface de la planète et le
réchauffement de l’océan provoquent une accélération de la fonte des glaces
continentales (glaciers, calottes groenlandaise et antarctique). D’immenses
volumes d’eau douce rejoignent l’océan, en particulier dans les régions
polaires, où prend place la convection thermohaline. Et tout comme la hausse
des températures, la fonte des glaces continentales s’est accélérée de façon
exponentielle durant les dernières décennies et devrait encore s’accentuer dans
les prochaines même si nous devenons capables de limiter nos émissions de gaz à
effet de serre et de respecter les objectifs les plus ambitieux des accords de
Paris (un réchauffement global de la Terre inférieur à 2 °C). L’intensité de la
circulation thermohaline étant étroitement liée à la salinité, ces apports
croissants d’eau douce risquent fort de ralentir les plongées d’eau, voire de
les arrêter et donc d’aboutir à un ralentissement de la circulation des masses
d’eau océaniques et des échanges de chaleur sur la planète.
Même
avec un réchauffement global compris entre 1,5 et 2 °C, la Terre pourrait ainsi
dépasser plusieurs seuils d’ici à quelques années selon certains modèles, comme
la disparition du gyre subpolaire – un courant au sud du Groenland –
susceptible de survenir d’ici à une dizaine d’années, ce qui influerait sur le
courant nord-atlantique, réduirait de 2 à 3 °C la température de l’océan
Atlantique nord, augmenterait les événements extrêmes en Europe… Le climat du
nord de l’Europe ressemblera-t-il bientôt à celui du nord de l’Amérique ?
L’analyse
des données satellitaires a révélé que les calottes groenlandaise et antarctique
ont perdu environ 10 000 kilomètres cubes de glace au cours des cinquante
dernières années. Cela peut paraître négligeable au regard du volume d’eau
contenu dans l’océan, mais ces ajouts contribuent déjà de manière très
perceptible – y compris sur nos rivages – à la hausse du niveau marin. Une
multitude d’instruments mesurent précisément la hauteur du niveau marin. À
partir des données de ces marégraphes, les scientifiques ont déterminé qu’au
cours du dernier siècle, le niveau moyen des océans a augmenté d’une vingtaine
de centimètres, dont 10 pour les seules trente dernières années. Les 10 000
kilomètres cubes de glace perdus par les calottes ces cinquante dernières
années ont contribué pour environ 3 centimètres à la hausse du niveau de la
mer. Le reste – environ la même contribution – est lié à la dilatation
thermique de l’océan lui-même : il se réchauffe, ce qui entraîne une
augmentation du volume de l’eau. Si les calottes venaient à disparaître – ce
qui heureusement ne devrait pas se produire avant au moins plusieurs siècles –,
l’apport d’eau douce resterait négligeable au regard du volume total de
l’océan, mais il provoquerait une élévation du niveau marin de plus d’une
soixantaine de mètres.
Il
est difficile de prévoir avec précision à quel rythme et surtout quelle sera la
hausse du niveau marin à l’issue des prochaines décennies, car elle dépend
surtout de notre capacité à limiter nos rejets de gaz à effet de serre. Les
projections les plus optimistes prévoient malgré tout une hausse de 28 à 55 centimètres
à l’aube du XXIIe siècle. Les scénarios les plus pessimistes – si nous ne
limitons pas nos émissions – anticipent que le niveau de l’océan augmentera de
plus de 1 mètre d’ici à 2100. En France, plus de 8 millions d’habitants
résident dans les communes littorales. Dans le monde, ce sont plus de 1
milliard d’individus, dont environ les deux tiers vivent à moins de 10 mètres
au-dessus du niveau marin actuel. Parmi eux, 230 millions d’habitants qui sont
installés en dessous de 1 mètre de ce niveau, dans des régions pour la plupart
localisées en Asie, au sein de pays en voie de développement déjà exposés à des
inondations côtières récurrentes.
Le niveau marin devrait augmenter de 28 cm à plus de 1 m d’ici
à
2100 selon les
scénarios
Tout
comme le niveau marin, température et salinité de la mer sont étroitement
surveillés. Aux nombreuses stations de mesure installées par les pays riverains
s’ajoutent plus de 3 000 flotteurs dérivant en permanence en tout point de
l’océan, qui effectuent des profils de température et de salinité de la colonne
d’eau. Les données enregistrées depuis bientôt deux décennies par cet effort
d’observation international permettent aux scientifiques de suivre en temps
réel l’état de santé de l’océan. Une des conclusions du dernier rapport indique
que la fréquence et l’intensité des vagues de chaleur marines augmentent. En
août 2022, les températures de surface en Méditerranée ont atteint des records
avec plus de 29 °C. Ces anomalies se sont étendues en profondeur avec des
valeurs jusqu’à 6 °C supérieures à la normale pendant plusieurs mois. En
juillet 2023, une des stations de l’Agence américaine d’observation océanique
et atmosphérique (NOAA) a enregistré 38,4 °C au large de la Floride. Outre le
fait que ces températures extrêmes créent des conditions favorables pour la
formation de cyclones qui inondent ou dévastent régulièrement les États bordant
la zone, des effets en cascade, incluant des épisodes de mortalité massive de
la faune et de la flore marine, résultent de ces événements qui ont tendance à
se généraliser.
Un
puits de carbone menacé
En
sus de son rôle de puits de chaleur, l’océan est un immense puits de carbone
grâce aux nombreux organismes photosynthétiques qui y vivent. Les zones
littorales regorgent d’algues et de plantes marines qui forment des champs,
herbiers ou forêts pour les plus grandes espèces. Sources de nourriture,
frayères, ou refuges pour de nombreux animaux marins, ces habitats stockent du
carbone, stabilisent les fonds et limitent l’érosion côtière. Les récifs
coralliens eux-mêmes abritent dans leurs tissus des algues photosynthétiques,
les zooxanthelles, avec lesquelles ils vivent en symbiose. C’est cette symbiose
que détruisent les hausses de température de l’eau en poussant les coraux à
expulser les zooxanthelles, ce qui condamne les deux symbiotes. Enfin, la zone photique,
une couche de quelques dizaines de mètres d’épaisseur à la surface de l’océan,
où pénètre la lumière, héberge de grandes quantités de phytoplancton. Constitué
d’organismes microscopiques, algues et bactéries, le phytoplancton est à lui
seul responsable d’environ la moitié de l’oxygène produit sur Terre.
Qui
dit photosynthèse dit fixation du CO2 atmosphérique. En effet, les gaz sont
solubles dans l’eau et, par le biais d’échanges avec la surface, une grande
quantité du CO2 présent dans l’atmosphère se retrouve dans l’océan et devient
donc disponible pour les organismes marins photosynthétiques, qui le
transforment en carbone organique. À la base de tous les réseaux trophiques
(l’ensemble des chaînes alimentaires), le phytoplancton sert ensuite de nourriture
aux échelons trophiques supérieurs ou rejoint les profondeurs sous forme de
neige marine, dont une partie est stockée dans les sédiments, où elle se
transforme lentement en dépôts fossiles.
La
dissolution du CO2 atmosphérique dans l’océan, aussi appelée « pompe physique
», lui permet donc de stocker le carbone et contribue à limiter le
réchauffement climatique. À lui seul, l’océan fixe près de 30 % des émissions
anthropogéniques de carbone depuis les années 1870. Toutefois, ce n’est pas
sans conséquence : une partie du CO2 dissous dans les eaux marines se
transforme en ions hydrogénocarbonates (HCO3 –) – une réaction qui libère des
ions hydrogène (H +), ce qui augmente l’acidité de l’océan. Le pH des eaux de
surface est passé de 8,2 à 8,1 depuis le début de la révolution industrielle,
ce qui peut paraître négligeable, mais ces changements touchent déjà de
nombreux organismes marins.
De
plus, le fonctionnement de la pompe physique est lui-même menacé, car s’il est
étroitement lié à la concentration en CO2 dans l’atmosphère, il dépend aussi de
la température de l’océan : plus l’eau est froide, plus la solubilité du CO2 y
est élevée. La pompe physique est ainsi particulièrement active dans les zones
de hautes latitudes, où les eaux sont froides. La hausse actuelle de la
température de l’océan contribue donc à limiter sa capacité de stockage du
carbone et pourrait restreindre son aptitude future à réduire l’impact de nos
émissions de gaz à effet de serre sur la planète. Sans compter que cette hausse
de température affecte aussi la solubilité d’autres gaz comme l’oxygène, avec
des impacts importants sur les écosystèmes marins.
En
quelques décennies, nous sommes passés de l’Holocène, une époque géologique
tempérée couvrant les douze derniers millénaires durant laquelle l’espèce
humaine a connu un accroissement démographique exponentiel, à une période –
nommée « anthropocène » – où l’humain est le principal moteur des changements
qui bouleversent les équilibres planétaires. Empreinte écologique, jour du
dépassement, points de rupture, limites planétaires… cette récente prise de
conscience s’est accompagnée d’un florilège de nouveaux concepts pour
appréhender les frontières au-delà desquelles la planète basculera dans un état
très probablement défavorable à l’humain. L’océan est le siège de nombre de ces
limites comme l’érosion de la biodiversité, l’acidification, la fonte de la
banquise, la hausse des températures marines… Il apparaît aussi très clairement
que le franchissement ou non de ces limites est directement lié à nos émissions
de gaz à effet de serre et donc à la mise en œuvre d’une politique de
développement durable, voire de frugalité, à une échelle planétaire. La
responsabilité de cette mise en œuvre incombe pour une large part aux décideurs
politiques, mais la réduction de notre empreinte carbone dépend aussi fortement
d’une prise de responsabilité individuelle.
En
France, l’empreinte carbone par personne s’est maintenue à environ 11 tonnes
d’équivalent CO2 par an entre 1995 et 2005 avant d’amorcer une décroissance. On
estime qu’en 2022, elle s’élevait à 9,2 tonnes d’équivalent CO2 par habitant
(dont plus de la moitié due aux émissions associées aux importations). C’est un
début. On est encore loin des 3 tonnes d’équivalent CO2 par an et par habitant
attendues sur 2018-2100 pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris (+ 2
°C maximum en 2100), mais il n’est pas trop tard pour agir. Selon une étude
parue en 2016, chaque tonne de CO2 émise fait fondre 3 mètres carrés de la
banquise arctique de septembre. Chacun de nous peut contribuer à la protéger.
L’effet
du réchauffement climatique sur la circulation thermohaline
Mu
par les variations de densité des eaux, un immense courant, dit «
circumocéanique », parcourt l’ensemble de l’océan, où il constitue une source
majeure de vie. Toutefois, le réchauffement actuel de la planète perturbe sa
dynamique.
La
convection thermohaline est un phénomène thermodynamique qui met en mouvement
l’ensemble des masses d’eau océaniques. Grâce à elle, une particule qui plonge
en Atlantique nord se retrouvera des milliers d’années plus tard dans le nord
du Pacifique ou dans l’océan Indien. Le moteur de cette circulation est la
variation de densité des eaux liée à des changements de salinité et de
température dans des zones très localisées de l’océan mondial. En Atlantique
nord, en mer de Norvège, au nord-est du Groenland, ou encore dans la mer du
Labrador, les eaux très salées de la dérive nord-atlantique, un courant
alimenté entre autres par le Gulf Stream (un courant chaud de surface qui prend
sa source près de la Floride), subissent un brusque refroidissement qui
augmente leur densité. Ces eaux plongent alors jusqu’au fond du bassin
océanique sous-jacent (Norvège ou Labrador) et forment ainsi une masse d’eau
profonde qui s’écoule progressivement vers le sud de l’océan Atlantique.
Elle
y rencontre les eaux de fond de l’Antarctique, qui, comme celles du nord,
résultent de la plongée des eaux de surface au sein des zones englacées bordant
le continent. Bien que liée à des variations de densité, la formation d’eau de
fond dans l’Antarctique ne résulte pas d’un refroidissement des eaux de
surface. Elle est due à l’augmentation de la salinité engendrée par la
formation de glace de mer sous l’action des vents violents qui balaient la surface
de l’océan au bord du continent – les vents catabatiques. Lors de la formation
de la banquise, une partie du sel contenu dans l’eau de mer est expulsé de la
glace. Froides et sursalées, les eaux aux abords plongent et s’accumulent au
fond des dépressions du plateau continental antarctique. Ces eaux rejoignent
ensuite la masse d’eau profonde provenant du nord de l’Atlantique.
Ces
phénomènes de plongée des masses d’eau au nord et au sud sont essentiels dans
le fonctionnement de la machine climatique. En mettant en mouvement l’océan
dans sa globalité, ils contrôlent les transferts de chaleur et d’humidité sur
l’ensemble de la planète. De plus, les eaux froides en provenance de la surface
oxygènent les profondeurs et permettent le développement de la vie. Leur
remontée à la surface en zone tropicale – dans l’océan Indien notamment – des
centaines d’années plus tard, chargées de nutriments accumulés en profondeur,
favorise en outre le développement du phytoplancton.
En
accentuant la fonte des glaciers continentaux, et notamment des calottes
polaires, le changement climatique actuel diminue la salinité de l’océan dans
les zones de plongée des eaux au nord et au sud, ce qui affaiblit le phénomène
et diminue l’intensité de la circulation thermohaline. Les conséquences se
manifesteront lentement, mais sûrement : baisse de l’oxygénation des zones
profondes et raréfaction des remontées d’eaux chargées en nutriments en zone
tropicale – avec pour effet un appauvrissement de l’océan dans cette région.
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